Ce soir se déroulait à la synagogue Bar Yohaï à Grenoble, une cérémonie d’hommage aux victimes de Vincennes: Yoan Cohen, Yoav Hattab, François-Michel Saada et Philippe Braham (de gauche à droite sur la photo ci-jointe). Voici les mots que Michel Destot a souhaité adresser à la communauté juive et aux autorités présentes:
« L’assassinat des 17 nouvelles victimes du terrorisme à créé un choc dans notre pays, un véritable séisme qui n’a laissé personne indemne, je dis bien personne.
17 nouvelles victimes coupables aux yeux de leurs meurtriers d’être journalistes, caricaturistes, attachés à la liberté d’opinion et d’expression, d’être policiers dans un pays qui défend les libertés individuelles et collectives, d’être juifs dans un pays laïc où a été élaborée la charte universelle des droits de l’homme.
L’heure est venue de la prise de conscience des dangers qui menacent les juifs de France, et par-delà eux, tous les Français.
Il est vrai que nous avions eu tort de croire qu’il y aurait un avant et un après 12 mars 2012, après les massacres de Toulouse et de Montauban.
Mais il y aura un avant et un après janvier 2015. Et je ne vous le dis pas seulement parce-que je suis votre ami, comme je crois vous l’avoir démontré durant mes 3 mandats de maire. Je vous en fait le serment en parlementaire de la Nation, encore sous le choc de la tragédie, mais rassuré par la détermination de notre pays à choisir son destin plutôt qu’à se le laisser imposer. La Marseillaise entonnée par tous les députés mardi dernier et la manifestation du 11 janvier, la plus importante dans toute l’histoire de la France, pour dire non à la barbarie, nous l’ont déjà prouvé.
Il est vrai qu’il aura fallu du temps. Trop de temps. Il aura fallu ce drame de Vincennes succédant à celui de Charlie Hebdo. Oui, je veux le dire et le redire, les juifs ont trop longtemps souffert de l’intolérance, de menaces, d’agressions toujours plus nombreuses, sans bénéficier de la solidarité qui aurait dû naturellement s’imposer. J’avais partagé la honte de Manuel Valls d´avoir vu une aussi faible mobilisation après les récents événements de Créteil. Pour les juifs de France, à l’insécurité s’était ajouté ce qui était pire encore: un sentiment d’abandon.
Il ne servirait à rien de pleurer les morts si nous n’en tirions pas, enfin, toutes les conséquences. Je ne veux pas revenir ici dans 2 ans, dans 2 mois, pour la même cérémonie. Notre destin à tous en dépend. Nous avons beaucoup dit que lorsqu’on frappait un juif, on s’en prenait à la société toute entière. C’était une position philosophique. La France sait désormais que c’était aussi une réalité parce-que les juifs formaient en fin de compte la première ligne de la société ouverte que les terroristes entendent mettre à bas. Ils ne sont pas quelques loups isolés comme certains ont pu le dire et beaucoup l’imaginer.
Ils sont un système. Ce sont les mêmes qui tuent les juifs en France, qui chassent les chrétiens du Proche-Orient, qui vendent les femmes yezidis sur les marchés aux esclaves, qui sont l’horreur et la honte absolues de notre époque et de notre humanité. Ils sont les mêmes tenants de l’obscurantisme, les mêmes prédicateurs de la haine, qui tendent un piège mortifère à tous les musulmans. Les mêmes ennemis de tous les juifs du monde et de tous les pays démocratiques. Et nous le savons, qu’ils mitraillent des journalistes à Paris ou égorgent des travailleurs humanitaires en Syrie, les islamistes ne perdent jamais de vue leur but premier: tuer des juifs.
Notre combat contre ce que Berthold Brecht qualifiait de bête immonde passe d’abord par la solidarité de tout notre pays avec vous. Dans l’immédiat, c’est la surveillance par près de 5000 militaires de vos lieux de culte et de vos écoles.
Mais ces mesures de sécurité ne suffiront pas. Il va falloir traiter le problème à la racine. Sans amalgame car on ne combat pas des préjugés par d’autres préjugés. Mais sans réduction de ce combat à de seules mesures sécuritaires alors que le terrorisme se nourrit des échecs de notre société. Nous devons le faire sans naïveté non plus. Sans complaisance. Sans déni de la réalité. Albert Camus disait que mal nommer les choses ajoutait au malheur du monde. Nommons-les bien: nous combattons un islamisme qui veut lui-même nous détruire. Et pour le combattre, il faut arrêter de fermer les yeux sur ces établissements scolaires où l’on ne peut plus enseigner la Shoah sans provoquer d’incident. Il faut poursuivre ceux qui se faufilent dans la jungle du Net et appellent au meurtre. Il faut agir contre ceux qui brandissent des drapeaux de Daech dans les manifestations. Le temps est venu de la tolérance zéro contre l’antisémitisme. L’aveuglement face à Dieudonné et le manque d’anticipation face à Coulibaly relèvent de la même faiblesse. En plein Paris bourgeois, la statue du capitaine Dreyfus, sculptée par Tim, est régulièrement outragée, malgré les efforts des équipes municipales, lassées par la récurrence de la bêtise. Ainsi l’antisémitisme quotidien finit-il par ne plus soulever qu’une indignation résignée, puis une quasi-indifférence, alors qu’il est au meurtre ce que la graine est à l’arbre.
Ce combat pour la paix et l’espérance en humanité, nous le mènerons ensemble. Car si notre pays pourrait exister, même beaucoup moins bien sans les juifs, à l’instar de certains pays d’Europe de l’Est après la 2ème guerre mondiale au cours de laquelle a été anéantie une civilisation tout entière, la république française, elle, ne le pourrait pas, ne le pourrait plus. Ce ne serait plus la France, ce ne serait plus notre patrie, un pays où tous ses citoyens n’auraient plus le droit de vivre en paix. Les juifs et la France ont un destin commun depuis des siècles. Et n’oublions jamais que c’est en défendant Dreyfus, même trop tardivement, que notre pays avait pu élargir le champ des libertés républicaines.
Aujourd’hui, le défi à relever est plus grand encore. Nous devons, autorités publiques et société civile, nous hisser à la hauteur de nos responsabilités.
La France est en deuil bien sûr, c’est l’objet de cet office.
Mais la France est debout. Debout contre la barbarie. Debout pour le vivre ensemble. Debout pour défendre la liberté, pour gagner avec la force de notre idéal, de nos valeurs.
Debout et ensemble. Pour que vivent la France et la République! »
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