La vie quotidienne de chacun est unique. Une synthèse de millions de vies de confinement est impossible. Les observations et constats faites par l’un seront jugées par l’autre inexactes, banales ou inappropriées. Ce sera le cas pour les lignes qui suivent.
STOCKAGE.
ALIMENTATION.
En temps de « guerre » ceux qui en ont les moyens et redoutent le manque du lendemain – le stockage semble se poursuivre- compensent l’angoisse par la nourriture ou la boisson. L’on passe plus de temps à table, l’on boit plus (les vents d’alcool ont augmenté mais pas la consommation, semble-t-il), tout est prétexte à collations. Pour d’autres, au contraire, l’angoisse et le manque d’exercice coupent l’appétit et ils s’alimentent plus légèrement. Quel comportement l’a emporté et pour quel type de nourriture ? Une nourriture de « guerre » celle qui avait été stockée ou une nourriture du temps de paix, plus diversifiée, puisque l’approvisionnement en ville est toujours resté relativement abondant, en dépit de vides sur quelques présentoirs.
Même si les Panzani reculent, Il semble que les légumes et les fruits aient continué d’être dédaignée. Il est vrai que les arrivées sont irrégulières et que les prix ont augmenté, faute d’importations espagnoles, surtout dans les supérettes de proximité. Dommage, la gariguette française est excellente. Plus de 200 000 volontaires se sont mobilisés pour sauver fraises, asperges et tomates tandis que des circuits courts de distribution étaient créés.
Céder aux délices du sucré, sous toutes ses formes, offre une autre évasion et les vitrines d’Œufs de Pâques pourraient être dévalisées. Le contenu de l’assiette peut aussi être influencé par un changement du partage des tâches dans les familles, courses, cuisine, de même que le mode d’achat a des incidences. ; drive-in, magasins de proximité, et télécommandes plutôt que les grandes surfaces. A la fin du confinement, chacun montera sur la balance et appréciera le résultat.
Le sexe est théoriquement une autre compensation possible, mais sa pratique est soumise à de fortes contraintes. Il est peu probable que durant la période, la consommation augmente sensiblement. Des frigidités temporaires pourraient bloquer les relations.
Occupations.
Le téléphone a repris de l’importance dans la vie quotidienne. Lorsque le téléphone fixe avait été conservé, un appel avant crise, en cours de journée, était considéré comme un dérangement (encore un marchand de tapis ou un organisme de sondage…) Depuis le confinement, des amis, avec qui les relations s’étaient espacées et qui ne connaissent pas votre numéro de portable, viennent prendre de vos nouvelles. Ces appels font plaisir et les conversations sont longues. De même, vous appelez de vieilles connaissances dont vous n’aviez plus entendu les voix depuis plusieurs années, en privilégiant les personnes isolées qui ne se déplacent guerre du fait de l’âge ou d’un handicap. A la vérité, le confinement change peu de choses pour ces personnes, elles ne sortaient guère, elles sortent encore moins, mais elles reçoivent plus d’appels téléphoniques et se sentent un peu moins seules. Le téléphone, combiné avec WhatsApp et Skype entretient les relations avec la famille et est consommateur de temps. Au bout d’une dizaine de jours, le zèle téléphonique faiblit et ne restent que les échanges téléphoniques avec les proches, les autres diminuent ou sont moins longs. Et le retour au mail économise du temps.
La télévision occupe un peu plus de cinq heures par jour, soit une heure de plus qu’avant confinement. Pour un certain nombre de jeunes, absorbés par les réseaux sociaux, la pratique est nouvelle. Pourtant, certaines émissions ont été supprimées et les rediffusions sont fréquentes. Les abonnements à Netflix et à Canal+ sont nombreux. L’écoute des radios augmente, elle aussi, mais elle est compatible avec d’autres activités.
Le besoin de s’informer, voire même d’échanger sur les ondes, est pressant, au moins pour une majorité de la population, alors que le recours à la presse quotidienne est malaisé, sauf pour les abonnés. Les interviews de médecins, souvent de bons vulgarisateurs, sont appréciés du public : ils savent (pas tout) ils instruisent et ils mentent moins que les politiques. Pendant les premiers jours, les Français ont été assoiffés de connaissances sur le virus et des milliers ont posé des questions sur les chaines de télévision et de radios, plus pour satisfaire un besoin de parler que pour la réponse.
Ils attendent le bilan du jour même s’il est imparfait et incomplet. Les statistiques de décès ignorent encore une partie des personnes âgées mortes dans les EPHAD et les décès intervenus à domicile. Les statistiques françaises de nouveaux cas sont fortement minorées par le faible nombre des tests pratiqués. Les comparaisons internationales sont peu probantes, à l’exceptions des personnes hospitalisées et mises en réanimation. La statistique la plus significative serait le supplément de morts par rapport aux années passées pour la même période. Cette évaluation permettrait de relativiser le choc actuel mais l’INSEE ne sait la faire qu’avec retard. Les chiffres actuels sont souvent le point de départ à des hypothèses hardies prédire de prédiction de la fin du confinement. Pour l’instant, c’est le « choc santé « qui intéresse le plus même s’il est de troisième ordre d’un point de vue démographique, par rapport à un « choc économique »de première grandeur. Avec le temps, un renversement pourrait s’opérer progressivement. L’accoutumance au risque de mort progresse tandis que grandit l’inquiétude des fins de mois. Les chiffres des pertes économiques quotidiennes engendrées par le confinement seront examinés chaque soir avec inquiétude.
Le virus a chassé des écrans et des ondes tout ce qui ne le concerne pas. Les autres nouvelles ont disparu et des continents comme l’Afrique ou l’Amérique Latine sont négligés. Pourtant, ceux pour qui la mort n’a pas d’importance et qui militent pour la fin du monde, les gens de Daech ou de Bocco Haram, ne doivent pas rester inactifs. Que se passe t’il en Lybie, en Syrie, au Yémen ou au Mali ? On le saura après la crise.
Après les enfants, le téléphone, la télé et la radio, les réseaux sociaux et la cuisine, vient le temps de combler des retards, des rangements qui ne peuvent plus attendre, du courrier délaissé alors que la poste fonctionne, des formalités à remplir pour vérifier votre situation vis-à-vis de votre employeur ou de l’administration. Si vous avez besoin d’interroger par oral votre banquier, ce sera moins facile que ce qui est répété sur les ondes.
Une autre occupation est possible pour les plus actifs en bonne santé qui ne peuvent supporter d’être inutiles. La Réserve Sanitaire ou mieux Renforts Covid attendent leurs offres de service, comme les exploitants agricoles. Avec un peu d’imagination, d’autres actes de solidarité peuvent être une occupation utile et prenante.
Enfin, les hobbys. Si vous voulez vous y consacrer, le préalable est une lutte contre la dispersion excessive, et l’improvisation permanente. Etablir des emplois du temps et mettre fin aux grasses matinées, hors week-ends, sont des efforts payants.
Des hobbys sont difficiles voire impossibles en appartements : la pâtisserie oui, mais la musique non ; la lecture oui mais le bricolage peut être, perceuses exclues ; yoga et méditation si l’environnement n’est pas trop bruyant, et pourquoi pas le bridge et les échecs à la télévision. Les courageux se mettront à l’apprentissage d’une langue étrangère en prenant la ferme résolution de continuer après.
Confinement et temps libre peuvent être une source d’expériences existentielles. Vous voyez les autres et vous-mêmes comme vous êtes. Les masques tombent. Une nouvelle réalité prend forme. La nuit, durant les insomnies, vous réfléchissez à la suite et aux conséquences éventuelles que vous en tirez pour la vie d’après. Peut- être, voudrez -vous garder une trace de vos découvertes et écrire.
Que restera t’il après la crise ? Un retour aux pratiques antérieures, une inflexion des manières de vivre, ou un changement de vie ?
Pierre-Yves Cossé
8 Avril 2020
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