Religion et Crise
Attitudes variables des Croyants
Les croyants réagissent de façon très variable. Le pratiquant convaincu se tourne vers la prière en appelle, seul, à sa miséricorde, célèbre sa grandeur et se rapproche du Christ souffrant, même s’il est difficile d’être un chartreux dans un 3 pièces bruyant où toute sa famille s’entasse et de suivre le précepte de Matthieu : entre dans ta chambre et ferme la porte. S’il y parvient, il lira ou relira les Ecritures, ancien et nouveau testament. D’autres se préparent à la mort sereinement, la dernière étape avant le royaume des cieux.
Le croyant utilitaire se contente de demander à Dieu d’épargner sa vie et celle de sa famille, même s’il n’est pas sûr que Dieu se mêle du fonctionnement du monde. Le croyant culpabilisant, convaincu que le virus est un châtiment envoyé par Dieu pour le punir de ses péchés, se bat la poitrine, s’accuse de ses fautes passées et présentes et serait prêt à se confesser si c’était possible. Le croyant attaché à un Saint et à un lieu demande l’intercession de son Saint -Sainte Anne, Sainte Geneviève- ou de la Vierge. Les tenants du diable lui imputent la responsabilité du mal qui afflige les hommes, voudraient l’exorciser s’ils savaient comment faire. Ces attitudes ne sont pas immuables, elles peuvent se mêler selon le moment et les circonstances.
De leur côté, les Musulmans font cinq fois par jour leur Prière, à genoux sur leur tapis orienté vers l’Est. Leur foi dans le paradis d’Allah peut réduire leur angoisse, quoique leur enfer ne soit guère réjouissant. La Crise les exonéra t’elle du Ramadan tout proche ?
Les Croyants privés de tout culte collectif
Avec le confinement et contrairement à l’Occupation, l’expression de la foi religieuse est principalement et nécessairement individuelle. Eglises et mosquées sont fermées. Messes et autres office religieux sont impossibles. L’attestation de déplacement ne prévoit pas une rubrique pour aller faire une prière ou bruler un cierge dans l’église de quartier, qui est souvent fermée. Restent Facebook, Yahoo et WHAT’S APP pour des groupes de fidèles. Du temps de Philippe Pétain, les églises étaient pleines, les processions nombreuses (j’en ai vu avec flagellants) et l’autorité du clergé
écrasante. Les Français payaient leurs péchés de jouissance et de paresse. Les ennemis étaient nommés : les Rouges, les Francs-Maçons, les Juifs et les Sans-Dieu. Les fidèles devaient maintenant obéir à l’Eglise et au Maréchal.
Une hiérarchie devenue modeste
Nulle tentative de récupération par la hiérarchie catholique en 2020, dans un pays, il est vrai, largement déchristianisé. Le Message des Evêques s’adresse aux incroyants comme aux croyants. Ils expriment le souhait que notre communauté nationale sorte grandie de l’épreuve et que les changements nécessaires ne soient plus différés. La seule proposition concrète est que le jour de l’Ascension « sonnent les cloches de toutes les églises pendant dix minutes pour manifester notre fraternité et notre espoir commun » et que des bougies soient mises aux fenêtres. Une prière est, de plus, adressée par l’archevêque de Paris à Sainte Geneviève : Soutiens les hommes et les femmes qui gèrent les affaires publiques et transmets la lumière pour éclairer les consciences. Ces messages ne sont guère repris dans les médias, reflétant la perte d’influence de l’institution dans la vie publique. Reste le plus important, ce que font les chrétiens et les comportements héroïques de certains sur le terrain, dans les hôpitaux comme dans les quartiers.
A Rome, la Pénitencerie Apostolique se manifeste. Elle propose une indulgence plénière, « un manteau de miséricorde étendu sur tous ceux qui souhaitent la recevoir ainsi que l’absolution collective à condition de prier et de renoncer au péché » Les catholiques français se sentiront-ils concernés par ces traditions ? Plus émouvante est l’image de François allant en pèlerinage à Sainte Marie Majeure et marchant seul dans les rues désertées de Rome. « J’ai demandé au Seigneur de stopper le Coronavirus » a-t-il précisé. Si cette demande n’est pas suivie d’effet, comment réagiront les catholiques qui croient à l’intervention directe de Dieu dans la marche du monde ?
Des pratiques irrationnelles
Sur d’autres continents, le religieux se manifeste sous des formes qui suscitent le ricanement ou la peur dans les pays développés.
Au Brésil, l’Eglise Universelle du Royaume de Dieu attribue la maladie, qui serait inoffensive, à une étrange alliance entre Satan et les grands médias.
En Inde, une secte nationaliste fait la promotion de l’urine de vache, animal sacré, pour chasser le démon Corona. Un Secrétaire d’Etat a proposé une formule mystique à répéter comme un mantra répulsif : GO CORONA.
En Israël, les Haredim, dont Netanyahou a besoin pour constituer une majorité à la Knesset, considèrent que ce qui sauve le monde ce sont les enfants étudiant la bible. Sans eux, le monde ne survivra pas et ce danger est plus grand que le coronavirus. Aussi, la vie quotidienne n’est pas modifiée et les policiers regardent les enfants jouer dans les rues.
Ne ricanons pas trop fort contre ces superstitions et ces pratiques. Au fur et à mesure que le virus tuera, des prophètes improvisés inventeront des messages et des remèdes censés guérir qui choqueront, y compris dans un pays dit rationnel comme la Fiance. Ils pourront faire du bruit mais ne
feront pas disparaître l’essentiel, la réflexion silencieuse de hommes qui peut aboutir à des transformations dans leur vie et celle de leur entourage.
Pierre-Yves Cossé
22 Mars 2020
Soyez le premier à laisser un commentaire !